Les petites maisons d’édition font très souvent du bon boulot. Celles qui s’affirment et celles qui tiennent bon la barre devant les grands de l’édition française surtout.
De la maquette au contenu, certains textes valent le coup qu’on y jette un œil.
Le livre de Sigrid Nunez est de ceux qui vous happent et vous posent de multiples questions.
Sans jamais vous laisser tranquille, les pages que vous aurez entre les mains vous bringuebaleront entre agacement, étonnement et vrai questionnement.
Pourtant, l’histoire est simple. Georgette George et Ann Drayton ont à peine 20 ans en 68. L’une venant du fond fond modeste des Etats-Unis, l’autre plutôt bourgeoise et privilégiée. Les deux vies face à face pour une confrontation sans pareille.
Un peu cliché la petite histoire bien huilée ? Haro!
Laissez aux vestiaires vos préjugés et lisez l’histoire d’amitié de ces deux jeunes filles prises entre les feux d’une société qui ne dit pas ses non-dits et qui subit les affres d’un temps où noirs et blancs sont bien loin d’une once d’égalité. Les valeurs et les expériences s’opposent souvent mais l’espoir et la jeunesse tiennent une part belle dans l’existence des deux étudiantes et dans leur attachement l’une à l’autre.
Le temps passe, les mœurs peinent à changer et les deux jeunes femmes s’éloignent. Quand Georgette entend parler de la peine à perpétuité d’Ann, les souvenirs remontent et l’indifférence laisse place aux questionnements. Comment trouver sa place dans une époque que l’on ne choisit pas ?
Un roman long et dense qui multiplie les intrigues et crée de la matière pour susciter de vraies et belles questions toute aussi diverses les une que les autres. Des thèmes forts qui font réfléchir sur le racisme, la modernité, la féminité, la famille, l’écriture, l’amitié et bien d’autres.
Réel voyage initiatique, ce texte porte parfois à confusion et faut nous perdre dans un entrelacs de sujets bien trop hétérogènes. Sigrid Nunez nous récupère pourtant grâce à son style fluide et accessible et son sens du dénouement. On a envie de rester auprès d’Ann et de Georgette et des personnages qui gravitent autour d’elles et de connaître la fin de l’histoire.
De nombreuses références musicales font de cette lecture une aventure mélodieuse hors du commun. L’envie d’écouter Bob Dylan nous titille pendant les 400 pages.
Une fresque américaine riche qui ouvre un oeil neuf sur un pays qui n’en finit pas de fasciner.
Merci aux Editions Rue Fromentin pour l’envoi de ce roman! Ce fut un plaisir.
Et nos yeux doivent accueillir l’aurore, Sigrid Nunez, Rue Fromentin, 2013